Ou comment la grande masturbatrice est restée bouche bée

En ramenant la désormais trans-continentale Belle de Cadix à l'aéroport, j'ai vécu une expérience traumatisante.
Mes chers, je dois vous dire que cette année qui se finit (j'en parlerai plus tard, prévoyez mouchoirs et tablettes de chocolat/pots de glace/poutines/autres, précisez) a pour moi glissé avec autant de vitesse qu'une porteuse de grosse chaussette rouge sur le sol gelé de Québec, avec aussi peu de heurts qu'une parade du 14 juillet, qu'enfin tout a été aussi fluide qu'avec du lubrifiant à l'ananas (Pierre vient de partir, veuillez m'excuser).
Imaginez, dans ce pays, les gens font la queue pour attendre le bus et jamais une vieille connasse personne âgée ne passe devant. Personne ici ne traverse au feu rouge. L'administration est serviable, aimable, adorable et, encore plus remarquable, compétente. Pour ne rien vous cacher, même les vendeuses et eurs des boutiques sont toujours prêtEs à vous rendre service. Vous comprendrez aisément que mon retour en France en février a été une épreuve de chaque instant, surtout quand j'ai eu le malheur de demander à la libraire de Gibert Clermont qui était en train de lire "Qu'avez-vous de Simone de Beauvoir?" de mon ton le plus courtois et qu'elle m'a répondu "zavez qu'à r'garder à B" avec tellement de méchanceté que j'en ai senti tout le poids de l'injustice de l'humanité. J'ai failli éclater en sanglots devant la cruauté du monde entier à cause de l'agressivité du ton avant de partir en hurlant vous zêtes tous des vilains. Rassure-toi lecteur, je me suis ressaisie, tout ma frenchitude est revenue d'un coup et j'ai snobement détourné les yeux. l'honneur est sauf.
Avant-hier, Pierre et moi, 23h, avons été acheter une tablette de chocolat avec des pièces de 10 et 5 cents (sous en québécois), la caissière n'a ni soupiré ni ouvertement râlé et n'a rien fait qu'à compter en souriant, presque contente. un dimanche soir de Pâques.
Encore une anecdote, cher lecteur, pour te convaincre de l'amabilité ambiante (à croire qu'ils passent leurs journées à respirer les vapeurs herbalement odorantes du square Berri): sur les comptoirs des arabes du coin (qu'on appelle ici dépanneurs et qui sont souvent chinois ou latinos. à chacun sa minorité exploitable que voulez-vous), il y a un petit pot dans lequel on jette un ou 2 cents sur la monnaie. Plus tard, le client à qui il manque quelques cents pour ses achats peut les prendre.
Hein?
Alors?
Pourquoi vous restez en France? vous pouvez me le dire?
Cela fait des mois que j'erre dans une bienveillante niaiserie et c'est pas que parce que je suis amoureuse, mauvaises langues. 8 mois de tranquilité.
Mais ça c'était jusqu'à ce fatidique 9 avril. Ce jour-là donc, je sortais l'esprit léger de l'aéroport où j'avais confié l'ami hispanisant à de gentils et compétents québécois qui après avoir gentiment pesé et pris ses bagages allaient aimablement le faire voler jusqu'à Paris en ayant pris soin de gentiment le délester de quelques centaines d'euros. J'ai été attendre un bus. Un homme à l'air hagard s'est approché de moi et j'ai naïvement tendu l'oreille à sa supplique, c'est que j'ai appris à ne plus me méfier de ceux qui m'abordent. De ce qu'il me dit, je ne comprends que "to Montréal" lorsqu'il me montre le bus. Sortant alors mon plus bel accent américain, j'affirme "Yep, this bus will get you to Montréal". L'homme hurle alors "fuck you bitch" et s'en va taper l'innocent poteau porteur des horaires jamais respectés. Je me dépèche d'aller m'asseoir dans le bus en question alors que la queue est hilare. La porte refermée, l'homme se jette sur les fenêtres et me montre son majeur.
voilà.
depuis, je ne crois plus en rien.


PS: quelqu'un est arrivé ici en gogolant "jeune fille + gros testicules".